Chinatown (Roman Polansky, 1974)



Morale : sens ordinaire : ensemble de règles de conduite et de valeurs au sein d'un société ou d'un groupe (ex : "la morale chrétienne".). Philosophie : doctrine raisonnée indiquant les fins que l'homme doit poursuivre et les moyens d'y parvenir (ex : "la morale stoïcienne").
Philosophie de A à Z, Hatier, 1994



Jean-Patrick Manchette disait «Le polar est la grande littérature morale de notre époque». Pour illustrer le propos, prenons le film Chinatown (Roman Polanski, 1974).

Le film se déroule dans les années 30 à Los Angeles. On y retrouve les ambiances du Film Noir américain, un scénario et des personnages complexes et ambigus, quelques citations comme "cherchez la femme" (en français dans le texte) qui sont autant de marques du genre. Jack Nicholson y campe un détective (Jack Gittes) qui, grâce à son statut, est en contact avec toutes les couches de la société (notons cependant que dans le film "les pauvres" ne serviront que de moyens pour faire avancer l'intrigue). Lui seul est à même d'avoir toutes les pièces du puzzle. Jack Gittes, ancien flic maintenant spécialisé dans les affaires d'adultère, est un homme qui possède une morale. Il le fait notamment remarquer en stipulant qu'il a des limites alors que Noah Cross (joué par John Houston) dit appartenir à un groupe d'hommes très restreint qui fait absolument ce qu'il veut. Le film tout entier parle de morale à divers niveaux : l'individu (la morale que l'on suit, que l'on se donne ; plus tournée vers le sens philosophique), la famille et la société (la morale au sein d'un groupe et de la société ; plus tournée vers le sens ordinaire du mot).

À Los Angeles il y a les riches, les pauvres et les possibilités d'action de chacun (on notera au passage qu'un des protagonistes fortuné de l'histoire possède une morale, lui aussi, on verra ce qui lui arrive) ; le bien public et le bien privé, les magouilles et l'enrichissement. Le film laisse voir cette possibilité, pour certains, d'être au-dessus de la morale, de ne plus avoir de limites (ce qui peut faciliter des choses quant aux actions criminelles permettant d'accéder à encore plus de puissance) et les problèmes que cela entraîne pour la famille et la société. Le film traite ce sujet sans tomber dans un manichéisme lourd ; la morale du film (ce que raconte le film) et ce que dit la fin, (la morale de l'histoire, en quelque sorte), sont terrible et sans appel. ATTENTION SPOILER : Ce sont les salops qui gagnent.