Shivers & Rabid



Ces deux films de Cronenberg marquent peut-être un tournant dans le film d'horreur : ici pas de vampires, pas de châteaux ou de maisons hantées, mais notre monde qui bascule vers autre chose par le biais de son évolution et cela sans aucune référence paranormale, mystique ou religieuse. C'est parfois long, cela peut-être ennuyeux, mais un réalisateur et des thématiques se dégagent.

L'action de Shivers (Frissons, 1976) se déroule sur une île qui vit en autarcie. Le complexe qui comprend des logements, des magasins et un hôpital ressemble fortement à un de ces ensembles immobiliers pour riches qui fleurissent à l'heure actuelle.
Comme dans son prochain film (Rabid) le déclencheur des événements est la recherche médicale et ses effets sur le corps humain. Le monde aseptisé dans lequel vivent les protagonistes va être chamboulé par l'arrivée d'un parasite.
Un des points qui peut être gênant (encore plus fort dans Shivers que dans Rabid) est que l'on n'éprouve aucune empathie pour aucun des protagonistes. Ce qui leur arrive nous est étrangement indifférent ; le docteur St Luc est aussi antipathique que les contaminés qui cherchent à pratiquer le coït.




Film lent et un peu répétitif, Rage (Rabid, 1977) possède cependant quelques avantages : malgré les scènes obligées du genre on ne sait pas trop dans quelle direction l'histoire va aller, l'actrice Marylin Chambers nous offre quelques scènes réussies (celle où elle sort en ville et va au cinéma par exemple) et une ambiance peut enveloper le spectateur.

Dans ces deux films, les thématiques : virus, corps, dépendance, différence et organisation de la société, sont abordés avec un angle de vue qui n'est pas celui du cinéma hollywoodien. Ces deux films donnent un aperçu de réactions face au changement, à ce qui n'est pas humain et ce qui n'est pas l'humanité.

Le fait que l'on ne s'attache pas aux personnages ne vient pas de l'absence d'émotion, mais de la dramaturgie qui n'appuie jamais sur la sentimentalité. Il ne semble pas y avoir de construction scénaristique ou de scènes appuyées pour que l'on éprouve du sentiment. Cette non utilisation des poncifs dramatiques pour faire jaillir l'émotion explique peut-être cette indifférence que l'on éprouve pour les personnages.

Mais à bien y regarder l'émotion est là, dans les expressions de visages, les actions et réactions des protagonistes.

David Cronenberg, Frissons (Shivers, 1976), 84 min
David Cronenberg, Rage (Rabid, 1977), 87 min