Jess Franco, poésie velue


Lorna l'exorciste est un film de Jess Franco sorti en 1974 (sous le pseudonyme de Clifford Brown). Il a été tourné à La Grande-Motte dans l'Hérault. Le budget devait être assez resserré, il y a peu de décors et une poignée d'acteurs dont Jess Franco dans le rôle du docteur et Howard Vernon, le photographe de plateau qui joue aussi dans Une vierge chez les morts vivants (un film qui ne comporte pas de vierges, ni de morts vivants...), y joue un méchant homme de main. Le film, aussi connu sous d'autres titres (Les possédées du diable, Linda, Sexy Diabolic Story, Exorcisme ou encore Caresses de chattes) est interdit au moins de 18 ans lors de sa sortie en salle.

Des longueurs, de la lenteur et quelques douceurs...

Lorna s'ouvre sur deux femmes qui se caressent ; Jess Franco les filme lentement avec une musique d'époque et des effets de caméra qui tanguent. Le ton est donné. Il y a un rythme dans ce genre de film, une langueur contemplative. On se doute très vite que certaines scènes ont été tournées sans que cela ne corresponde à ce qu'elles veulent signifier lors du montage. La question, dans ces cas là, est toujours la même : combien de longueurs pour quelques lenteurs réussies ?
Le film plane à la lisière du ridicule et du malsain. 1974, c'est une autre époque, un autre temps où l'on devait trouver les romans de chez Fleuve Noir un peu partout avec leurs noms de collection, leurs titres et leurs couvertures suggestives ; toute une ambiance (écrite à la pelle) faite de sexe, d'angoisse et de violence.


Lorna est une variation pauvre de Faust
 
Le montage comporte des erreurs : des dialogues post synchronisés sont en double dans différents décors mais il y a de belles paires de fesses, des seins, des jambes ouvertes sur des sexes poilus ; une culotte apparaît... une blague tombe à l'eau. Quelques scènes flippantes et dérangeantes flirtent avec le malsain. Quelques plans expérimentaux sont bien tournés. L'expérimentation est une des niches de ce genre de série B : un moment de liberté pour un dialogue, pour une scène érotique... ou pour quelques plans (répétés plusieurs fois) d'un voyage en voiture qui laissent voir une étrange architecture filmée entre la vidéo Super 8 familiale et un documentaire sur l'architecture du début des années 70.

Des images 

Lorna est comme un antidote aux productions actuelles du porno industriel ou aux clips lisses et glabres de la première décennie du XXIème siècle. Peut-être est-ce la patine du temps qui donne un charme étrange a cette production érotique, mais il n'en demeure pas moins que la réalisation réussit quelques effets d'entrejambe, de tendresse et de sexe.


Une certaine poésie émane de plans étranges. Quelques images font mouche et c'est bien là ce que l'on cherche dans ce genre de film de seconde zone. Ces moments de poésie rares et bons ; un éclair de génie, comme une pensée claire qui jaillit soudainement dans les ténèbres, quelques instants qui émergent de la boue stupide. Nous voulons juste un peu de grâce et de sublime dont nous n'aurions pas l'habitude, quelques secondes de beauté, un peu d'angoisse, un peu de piment. Sur un peu plus d'une heure trente, Lorna recèle quelques minutes de cette poésie excitante, avec des poils.