Melancholia ne parle pas du monde


L'époque produit les cinéastes qu'elle engendre...

Je suis parti à pied et plein de préjugés pour aller voir le Melancholia de Lars Von Trier dans un petit cinéma de quartier que j'affectionne pour ses sièges d'avion supersonique. Je me disais en marchant qu'on avait les cinéastes qu'on méritait... que l'époque produisait les cinéastes qu'elle méritait et qu'à chaque fois que j'étais allé voir un de ses films (Element Of Crime, Europa, Les Idiots, Breaking The Waves, Dancer In The Dark et Dogville) cela m'avait touché d'une manière ou d'une autre, plus où moins fortement (avec un bémol pour Dancer in The Dark où il me semble que Lars von Trier appuie trop sur le pathos).


De quoi nous parle Melancholia

On cherche souvent "une vison du monde" dans les films de ceux qui sont considérés comme de grands cinéastes. Un discours ou un jugement d'ensemble sur le monde, la société, l'être humain... Melancholia raconte comment certaines personnes : deux sœurs (Justine et Claire), leur mari et un enfant réagissent à la fin du monde. C'est est un film catastrophe, quasiment un huis clos. On ne sort pas du manoir qui sert de décor, on n'a pas de scène de foules ; on ne sait pas ce qui se passe dans les villes ni au village. Il n'y a pas d'information sur le monde extérieur. A part un court moment de connection internet et quelques propos rapportés nous n'avons pas d'information sur la venue de la planète Melancholia.
Il n'y a pas de grand discours sur la monde pas de métaphore ou de parabole tout au moins je n'en ai pas vu. Ce sont les réactions individuelles qui sont mises en avant dans le film. Au centre du film il y a les deux sœurs qui sont multiples et détonnent avec les autres personnages qui sans être caricaturaux, semblent moins vastes. Je ne vois pas non plus de métaphore de la dépression dans l'arrivée de la planète qui serait comme un mal inéluctable qui grandit et va tout terrasser. Je ne pense pas que Mélacholia soit un "film sur"... ce n'est pas un film sur la fin du monde, ni un film sur la dépression, ni un film sur la société. Même si on peut en dégager par plusieurs thématiques.


Une distance

Je n'ai pas été pris par la fin, la fin du film n'a pas fonctionné avec moi. Je n'ai pas senti de souffle (alors qu'il y a normalement une forte montée dramatique dans les fins de Lars von Trier). Je suis d'ailleurs resté un petit peu étranger aux personnages et ce tout au long du film. Je ne me sentais pas concerné par ce qu'ils faisaient, ni par ce qu'ils allaient devenir. Mais je ressentais une certaine curiosité...




Des rituels / des cérémonies

Il y a quelques piques bien senties sur notre société actuelle sur les rites et cérémonies obligatoires (mariage, fête...). Justine est malade et tout le monde autour d'elle semble savoir ce qui va être bon pour elle. Tout le monde veut qu'elle soit heureuse. Il y a quelques scènes où elle semble commencer à se laisser aller, à lâcher prise et devenir plus légère et là le rituel la rattrape et la replonge dans sa tristesse. Claire essaye de faire face, mais elle est elle aussi plutôt flippée, malgré son acceptation des rituels. Le mari de Claire est plutôt hors jeu il semble complétement happé par la société, sans monde intérieur. Le personnage de la mère est intéressant : elle refuse tout les rites mais ne cesse d'y participer en les commentant et s'est tournée vers d'autres rituels... plus lointains.




Regarder la mort en face

Il y a une scène où Justine remplace des tableaux abstraits par des tableaux figuratifs qui mettent en jeu la mort. Le final du film montre les réactions de chacun face à la fin du monde. Seule la réaction du mari arrive comme un cheveu sur la soupe même si on comprend bien que c'est sa réponse à l'échec de la méthode Coué "tout va bien se passer". Justine, elle, se rattache à un symbole, celui de la cabane. Claire aurait voulu une ultime "fête / rituel" de passage vers la fin, un genre de cérémonie romantique. Mais comme je le disais plus haut j'ai regardé tout cela de l'extérieur.

Et le cinéma ?

Les images, la photo, sont particulièrement bien réussis. On reconnait le coup de caméra de Lars von Trier. La musique par contre pèche un peu : je ne suis pas sûr que les violons apportent beaucoup de chose à la dramaturgie du film.
Je garde une forte impression de la première partie (Justine), c'est là que je me suis senti le plus concerné et où ma curiosité était attisée. Par la suite je me suis de plus en plus détaché des personnages. Je ne sais pas si c'est un effet voulu par Lars von Trier, mais au fur et à mesure que Melancholia s'approche, mon intérêt pour les personnages (pas mon intérêt pour le film) diminuait.
Le film est traversé de petites intrigues : est-ce que le pubeux va avoir son slogan ? Quel est le problème de Justine (dans la première partie Justine n'a pas l'air bien, on comprend mieux le problème dans la deuxième partie du film...) ? Que va-t-il se passer avec ce vieux pathétique qui pique les petites cuillères ? Et c'est dans ces détails que Melancholia me semble le plus intéressant. Notons aussi que le jeu d'acteur est très bon, voire excellent dans le cas de Kirsten Dunst. S'il fallait faire une passerelle vers un autre film je proposerais Minuit dans le jardin du bien et du mal de Clint Eastwood.