Bob Marley... Home.


Son truc à elle c’était Bob Marley elle voulait faire du cirque et c’était un âge où tout ce qu’on écoutait prenait des dimensions gigantesques. Il y avait une attitude qui allait avec la musique, comme une pancarte brandie à la face du monde ; un moteur pour les décharges d’adrénaline. Notre envie de justice et cette grande morale – on aurait dit un code - qui nous chapeautait dans cet âge où le moindre compromis est une blessure...
Écouter de la musique c'était appartenir à une tribu. Je pense à ça parce que j'ai mis Kaya de Bob Marley sur la platine et que j’écoute les paroles, les rythmes à la fois lancinants et énergiques. Bob Marley était un bon porte drapeau. On sent qu'il y avait des choses à construire. Quand on l’écoute, on se dit que c’est possible.
Plus tard j’ai rencontré un ancien légionnaire. Un passage par la Légion a toujours l’air de faire de vous un ancien légionnaire, non ? C’est comme un passage par la prostitution, ça vous définit quelqu’un aux yeux du monde. L’ancien légionnaire écoutait beaucoup de reggae, énormément de Bob Marley. Je lui avais même refilé ma triple compilation…

Quand je dis que Bob était un bon porte drapeau, je veux dire que sa musique, ses paroles et son image - comme toutes les stars du rock c'est un genre d'icône sur laquelle on a collé plein de choses - sont comme un passeport pour passer un bon moment avec n'importe qui. Bob Marley - comme Coca Cola - est partout et brille de ses attributs.
Les attributs de Bob sont plus riches et plus larges.

À l'époque j'avais dit à la fille qui voulait faire du cirque que Bob Marley je trouvais ça un peu mou (1). Je disais ça par automatisme, comme on dit que l'album Your Under Arrest de Miles Davis est de la musique pour ascenseur. Vous voyez de quoi je veux parler ?.. Ce genre d'idées toutes faites qui induisent la non écoute et le formatage du goût. À cet âge-là on disait pas mal de conneries. Et puis entré dans l'âge adulte, avec la découverte de la musique baroque, je me suis mis à écouter Bob Marley et Bob m'a emporté avec lui. Maintenant, dès que j'entends un de ses titre, c'est comme si des portes s'ouvraient dans ma caboche et où que je sois - comme avec Nirvana - c'est comme si j'étais à la maison. Ce mythique "Home" dont parlent tant de chansons anglo-saxonnes.

Bob Marley, Is This Love



Bob Marley, Kaya, Island, 1978
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(1) et puis ce qu'il y avait dans nos cassettes c'était plutôt Bérurier Noir, Trust, Banlieue Rouge, Public Enemy, Metallica, Les Sales Majestés, La Sourie Déglinguée...