Pascal Dessaint, Les derniers jours d'un homme


Les amateurs de polar reprochent parfois au genre de ne pas refléter les problématiques de la société actuelle. Ceux qui partagent ce constat peuvent se réjouir, Pascal Dessaint délaisse un moment les intrigues purement policières menées par le capitaine de police Frank Dutrey. Avec Les derniers jours d’un homme, il revient sur l’histoire d’une usine, d’une ville et de son monde ouvrier : MetalEurop. Aventure économique contemporaine, illustration des priorités d’une société, la nôtre. Pascal Dessaint ne nous refait pas l’historique d’une fermeture dont tout le monde ou presque connaît les grandes lignes. Il focalise sur une famille, une adolescente et son père qui, a quelques années de distance, racontent comment cette usine, la pollution et la misère qu’elle a engendrés, ont influé sur eux et les autres. Le plus souvent, ces hommes qui trimaient dans des fournaises ne demandaient rien d’autre que de continuer à travailler, malgré la mort lente, malgré le salaire de misère. « Pourquoi personne ou presque ne pensait jamais à y échapper vraiment ? Etions-nous naturellement résignés, inconscients ou masochistes ? »

C’est peut-être cette question du choix qui reste la plus importante du roman, dans l’ensemble classique, bien fait mais sans surprise. Les combats n'existent que pour réclamer le maintien d'un emploi, sans aucune remise en cause de celui-ci, de son caractère indispensable - condition unique de réalisation de l’homme dans la société. Clément, le père de Judith, fait face à ce dilemme, travailler pour se sentir digne, tout en étant confronté à la responsabilité de ses choix : contribuer à faire fonctionner une usine meurtrière, ou vivre dans la misère. Pascal Dessaint plante une bonne histoire, touchante, grâce à de bonnes scènes d’ambiance, et s’il ne livre pas le roman noir social à la Zola qu’on lui prête parfois, il laisse une belle réflexion à son lecteur.

Pascal Dessaint, Les derniers jours d'un homme, Rivages, 2010, 18 euros, 233 p.