Opale de Stéphane Lefebvre


Opale n’est pas exempt de défauts. Connaître, même virtuellement, l’auteur, ne m’a pas empêchée de les voir. Mais je ne crois pas avoir apprécié le roman par indulgence. J’ai fini le dernier tiers sans décrocher. Ce qu’il faut faire, d’ailleurs : lire quasi d’une traite. Du fait des quelques faiblesses, je pense que le roman ne supporterait pas une lecture trop morcelée.

Stéphane Lefebvre opte pour un univers bon enfant, empli de boutades et métaphores souriantes, l’envie de détendre les choses en toutes circonstances, à l’image de son personnage de journaliste, Robin Mésange (tellement vrai et proche de chacun d’entre nous, une réussite). Même face à l’ennemi avec à ses côtés la femme de ses rêves et lui sur le point de se pisser dessus, il faut qu’il trouve le bon mot. Cette omniprésence crée une distance entre l’histoire et le lecteur, qui a bien conscience de lire une fiction, un roman, une aventure qui l’égaye mais prendra fin la dernière page tournée.
Opale séduit par ce ton léger qui en même temps le dessert ; captive par ces couleurs et ces descriptions visant juste ; et les personnages bien sûr, Valentine et Abdellatif les vieux amoureux, Léa la fliquette séduisante, Tony le lycéen mal dans sa peau, et le fameux Robin avec ses sandwichs et ses pepitos devant son indispensable télévision.
La noirceur et la douleur ont tout de même leur place, dans ces morts mystérieuses, dans la maladie d’une mère qui perd la mémoire, dans l’abus d’êtres humains par d’autres êtres humains. Cet aspect-là passe vite. Stéphane Lefebvre n’a pas choisi d’écrire un roman noir, aussi violente soit l’issue choisie pour expliquer les crimes sur lesquels Robin enquête. Le coupable met du temps à se dévoiler (l’auteur a mis du temps à le choisir ?) et l’explication à coup de faux nez est un peu tirée par les cheveux. J’ai nettement préféré le sort réservé au couple Robin-Léa, bien plus proche de la vie telle qu’on la connaît.

À mon avis, les moments où l’auteur abandonne gouaille et légèreté sont les plus réussis, même si j'ai apprécié les éclats de rire offerts par l'histoire. Il m'a semblé sentir comme une retenue dans la façon de raconter. Une hésitation à livrer son style sans barrières. Suppositions... À vérifier lors de la parution du deuxième roman !

Stéphane Lefebvre, Opale, Les Nouveaux Auteurs, 2009, 19,90 euros, 629p.

Et merci Stéphane d'avoir répondu à mes questions si rapidement !

Stéphane Lefebvre et les 3 questions de duclock

Que lis-tu en ce moment ?

Je viens de terminer Le verdict de plomb de Michael Connelly et Traquer les ombres de John Harvey, les derniers romans de deux auteurs que j’apprécie, mais qui, pour une fois, m’ont un peu laissé sur ma faim.
Là, je viens de démarrer Little bird de Craig Johnson (déjà chroniqué ici !), publié chez Gallmeister, un éditeur au travail soigné, spécialisé dans la nature writing américaine, que j’avais découvert avec les livres de William Tapply (Dérive sanglante et Casco Bay)
Ça remplit les poumons et les rétines !

Qu'écoutes-tu en ce moment ? Qu'est ce qui tourne sur la platine ?

Je dois avouer (non, me frappez pas !) ne pas être un grand mélomane.
Les CD tournent essentiellement dans le lecteur de l’autoradio.
En ce moment, ça alterne entre le dernier album de Francis Cabrel, celui de Tori Amos, et un plus vieux, Invitation de Thirteen senses.

Quand as-tu été surpris pour la dernière fois, qu'est ce qui t'a surpris ?

Le week-end dernier. Lorsque j’ai appris qu’un copain d’enfance pas revu depuis des lustres et qui, je crois, n’avait jamais ouvert d’autres livres que ceux imposés par nos professeurs (et encore !), avait lu et apprécié le mien !
Ca m’a tout d’abord scié... et puis vraiment touché.

Où en-es tu de tes débuts dans la peau de l'auteur, les signatures, les ventes, les interviews, les rencontres avec tes lecteurs... comment vis-tu tout ça avec quelques mois de recul ?

Même avec quelques mois de recul, je ne réalise pas encore tout à fait.
Le prix VSD, la promotion du livre, les ventes, sont des choses que je n’aurais jamais pu espérer, ni même imaginer, pour un premier roman.
C’est une chance incroyable.
Pourtant, j’ai encore du mal à me considérer comme un « auteur ».
Ça s’est vu d’ailleurs lors des premières signatures et autres interviews !
Maintenant ça va mieux, même si, lors des salons ou des dédicaces, l’aspect « commercial » de la chose me gêne un peu. Je préfère largement discuter avec des personnes qui ont déjà lu le livre, plutôt que d’essayer de leur en vanter les qualités !

J'imagine que nous ne saurons pas si Robin Mésange reviendra faire signe à ses lecteurs, mais peux-tu nous dire si tu t'es remis à l'écriture, ou si tu t'accordes du répit ?

Disons qu’en ce moment, j’hésite.
Je suis à la fois tenté, les retours des lecteurs m’y incitent, beaucoup me demandent de continuer, mais je suis un peu inquiet aussi !
J’en ai plutôt bavé avec le premier, et retenter cette épreuve horriblement passionnante me fait un peu peur !