Jean Hugues Oppel se souvient de cet air



Aujourd'hui c'est l'écrivain Jean Hugues Oppel qui se souvient de cet air.

Mon papa et ma maman sont divorcés. Je vais à l’école en France avec maman et passe toutes les vacances scolaires avec papa en Suisse. C’est plus simple que la garde alternée et moins onéreux que des allers-retours en train un week-end sur deux. Mon papa habite Neuchâtel, au bord du lac éponyme ; Montreux est au bord du lac Léman ; pour aller au concert, je fais du stop avec un ami autochtone, fan comme moi des forçats du booggie. Deux autres potes font la route de leur côté (à quatre le pouce levé, bonjour le handicap), rendez-vous dans la salle. Pour l’anecdote, entre la première et la deuxième voiture, les flics nous contrôlent avec la courtoisie policière helvétique de rigueur. Nous ne sommes pas majeurs mais avons plus de seize ans, nous avons nos billets en règle et fumons des cigarettes normales, tout va bien.
Nous arrivons à destination sans trop de problème, quoique largement après l’ouverture des portes. L’entrée de la salle se fait sur le côté de la scène, puis il faut longer les barrières de sécurité de ladite scène jusqu’à une allée centrale qui répartit le public sur des chaises en plastique dont les rangées commencent à cinq ou six mètres des barrières. Impossible de retrouver les copains dans la foule - et soudain je le crois pas : nous passons devant deux sièges vides au premier rang... Stop ! Je demande aux spectateurs voisins si ces places sont bien libres (les resquilleurs sont très mal vus en Suisse) ; c’est le cas.
Arrivés presque en retard, nous voilà mieux placés que si nous nous étions pointés en avance !
Le concert commence à l’heure, tout le monde sagement assis. Je ne me rappelle plus de rien jusqu’à ce que Francis Rossi, chanteur et guitariste solo, prononce les paroles suivantes: “Now, a new song... (le silence se fait dans la salle)... From our new album... (un frémissement parcourt les premiers rangs)... The “Hello” album... (les premiers rangs se lèvent d’un bond mais restent sur place)... It’s called... CAROLINE !!!”
À croire qu’ils s’y attendaient : les roadies qui montaient la garde dans l’espace libre devant la scène ont déjà reculé derrières les barrières de sécurité comme nous nous ruons en avant pour nous coller contre tandis que l’intro du morceau que nous attendions tous rugit à mort dans les enceintes - et c’est parti pour le reste du concert debout dans la folie des trois accords mythiques déclinés sur tous les tons ! Le reste appartient à l’histoire (comme le retour en stop de nuit, difficile en Suisse comme en France), mon histoire.
Celle-ci a bien failli s’arrêter le lundi 24 novembre 2008 vers seize heures sur la RN20 au carrefour de Toury, une trentaine de kilomètres avant Orléans. Le camarade Miroslav, routier bulgare roulant pour une entreprise espagnole, au volant de ce qu’on appelle un ensemble routier (poids-lourd + remorque), a transformé ma Super Cinq en Smart décapotable avec moi dedans.
Je me rendais au Zénith d’Orléans pour revoir trente-quatre ans plus tard... Status Quo !

CAROLINE, Status Quo
Jean-Hugues Oppel, 51 ans
Montreux, Suisse - Pâques 1974

NB : La photo a été prise par l'ami autochtone de Jean Hugues Oppel. Et voici maintenant un Caroline de Status Quo ; y a pas, des années après les gaziers ont toujours une pêche d'enfer.

Status Quo, Caroline