Quand je serai roi d'Enrique Serna


Un gamin de la banlieue mexicaine se shoote à la colle. L’égocentrique et ambitieux patron de radio Familiale organise un concours fumeux pour faire appel à l’héroïsme des citoyens, « extraire de la misère, et plus elle est noire mieux ça vaut, un sacrifice exemplaire qui, par sa seule force mélodramatique, inhibe le sens critique de l’auditoire, afin de consolider du même coup l’idée qu’un individu courageux peut surmonter la décomposition morale de son milieu ambiant, comme si la vertu pouvait remédier aux ravages de la pauvreté. »
Une femme ignorante et bigote réfrène sa sexualité par peur du châtiment divin (pourtant, elle aime bien se faire prendre à quatre pattes par terre...)

C’est un peu tout ça, Quand je serai roi. Mais surtout l’humour et l’ironie d’Enrique Serna sur son pays en crise (elle est partout !) et l’idéologie qui le régit. Il y a aussi Javier qui défend dans son métier la politique du gouvernement quand il bout intérieurement de laisser libre cours à ses convictions de gauche et rêve de changer de place. « Il envoyait au poteau d’exécution ses ex-compagnons de voyage pour les fusiller avec des balles de fiel, en joue, feu, et, délivré de leurs fantômes, il se jugeait moralement supérieur à eux tous, car il était resté fidèle au matérialisme historique dans un bastion de l’extrême-droite, extérieurement sali mais l’âme propre, telle une carmélite recluse dans un bordel qui coucherait avec les clients (...) »

Et puis Mexico, la ville et ses habitants, rues pauvres et quartiers riches, les gosses qui nettoient les pare-brises pendant que d’autres s’abrutissent devant des jeux vidéo, la corruption partout et le laitier qui passe la drogue dans les bouteilles de lait.
« Le panorama qui s’offrait sur le toit défiait les lois de la géopolitique : Mexico vu depuis Dallas. (..) Mexico étandait son pourrissoir aux quatre points cardinaux mais respectait les murailles et les clôtures de la citadelle riche et propre qui regardait les guenilles de sa voisine avec le dédain d’un crapaud récemment changé en prince. »

Histoire aux petits oignons donc, avec du fond, et en prime du style. L’écriture de Serna me semble coller à cette image que j’ai des écrivains hispaniques, leur mélodie, leur noirceur, leur poésie tout à la fois. Une réussite. Il me faut donc maintenant me pencher sur le précédent roman de cet auteur, La peur des bêtes, dont JeanJean nous vante très bien les mérites.

Enrique Serna, Quand je serai roi, Métailié, 2009, 18 euros