Inversion de Brian Evenson


C’est une expérience étrange pour le lecteur, ce roman. Il vous brouille la perception, les sensations. L’auteur déstabilise par sa façon de raconter, les blancs qu’il laisse et le personnage qu’il crée. Ca monte petit à petit en vous, avec la même progression que le pétage de plombs de Rudd. Je ne me souviens pas avoir ressenti ce genre de choses en lisant un livre. Peut-être avec Le dernier monde de Céline Minard.

Inversion se compose de trois parties. On découvre Rudd, jeune homme dont le père est mort et la mère bigote catégorie mormon. Un bon terreau pour faire partir les choses en sucette. Rudd est un lycéen mal dans sa peau, toujours à l’écart, du genre à se faire traiter de « tête de fion » sans broncher. Et puis Lael débarque dans la vie de Rudd. Tous les deux vont former un curieux tandem, entre franche amitié et domination malsaine. A l’occasion d’un exposé à faire pour l’école, Rudd s’intéressera plus que de raison à un meurtre (commis par un homme lié à l’église mormone), mettant en scène le rituel de l’expiation par le sang.

De grandes lignes simples, entre énigme et psychologie. Ca se complique (agréablement) quand on rentre dans le détail, et je préfère ne pas trop en révéler pour laisser la surprise intacte. Ce livre est simplement fascinant, à tous points de vue : histoire, style, construction, impact. Il faut juste accepter de se faire trimballer. Comme avec La confrérie des mutilés, roman ô combien original. Bref, je recommande à tout le monde la découverte de ces romans, d'une richesse propre à satisfaire un grand nombre de lecteurs. Quant à moi, guette illico le prochain roman de Brian Evenson.

Brian Evenson, Inversion, Le Cherche Midi 2007, 10-18, 2008, 312 p.


Il faudra un jour qu'on se penche sur l'incroyable facilité d'accès des auteurs anglo-saxons, comparé aux français. Il me semble que c'est encore plus marqué dans l'univers da la musique. Tout ça pour dire que je suis ravie de l'échange, même si ce n'est qu'en mail, entretenu avec Brian Evenson. Un grand merci à lui.

Brian Evenson et les 3 questions de dj duclock (+1)

Je Notule : Que lisez-vous en ce moment ?
Brian Evenson : Je finis juste le long roman en plusieurs volumes de Robert Musil, L'homme sans qualités, que j'aime beaucoup. Je commence aussi tout juste deux autres livres - et jusqu'ici je les apprécie - qui seront publiés dans quelques semaines : le premier roman de Jedediah Berry The Manual of Detection, et Fakers de Paul Maliszewski, un livre d'essais sur les canulars littéraires. Mon livre préféré que j'ai lu l'année dernière a été 2666 de Roberto Bolaño, que j'aurais aimé avoir écrit.

Je Notule : Qu'écoutez-vous en ce moment ?
Brian Evenson : Beaucoup de choses différentes. Mais surtout un album, No Magic Man, d'un groupe qui s'appelle Sunburned Hand of the Man. Aussi un groupe Death Vessel et un groupe presque inconnu composé d'une personne, Mattress. Mais aussi des choses comme Sybarite, The Laughing Hyenas, Faust, Can, Bob Dylan...

Je Notule : Quelle est votre dernière surprise, la dernière fois que quelque chose vous a surpris ?
Brian Evenson : Sans doute la dernière chose qui m'a vraiment surpris c'était le livre d'Antoine Volodine, Bardo or not Bardo, qui a fait certaines choses que je n'aurais pas pu prévoir et que j'ai trouvées vraiment bonnes. La section "Schlumm" de ce livre m'a vraiment surpris. Est-ce le genre de surprise auquel vous pensez ?

Je Notule : Qu'écrivez-vous en ce moment ?
Brian Evenson : J'ai un nouveau livre de nouvelles qui s'appelle Fugue State et sera publié en juillet par Coffee House Press, donc j'y apporte les corrections de dernière minute. Après ça, il y a plusieurs choses sur lesquelles j'essaie de travailler, ça va d'un roman nommé Handbook for a future Revolution qui se passe dans le même (20e siècle) milieu qu'Inversion, à un nouveau texte noir étrange.