UTOPIALES Nantes 2008

Marin Ledun, Pierre Bordage et Richard Morgan



Cette année, j’ai eu la possibilité de passer deux après-midi aux Utopiales. Ce qui m’a permis de faire ce qui m’était impossible en ne venant que le dimanche : suivre certaines tables rondes. Vendredi désertique dans le grand hall de la Cité des Congrès, avec un programme Polar et SF et La vie en réseau. Globalement, ces conférences sont bien sages, intéressantes mais pas surprenantes. Echanges courtois, traduction simultanée au casque. Une seule fois le ton a failli s'emballer (et l’ambiance se réchauffer) lorsque les droits d’auteur et le téléchargement sont arrivés sur le tapis. Mais le modérateur a tenu son rôle ; il a botté en touche. Pour autant, il y a quand même le plaisir d’écouter parler les auteurs et de les découvrir un peu, beaucoup.

Le débat Polar et SF s’est tenu en présence de Marin Ledun, Pierre Bordage et Richard Morgan. Mais sans Jean-Pierre Andrevon, pourtant présent et bien placé pour évoquer le sujet. Tant pis, je suis allée l’écouter plus tard. Un constat s’impose d’emblée : les auteurs présents n’ont ni conscience ni volonté d’écrire en se plaçant dans un genre. Pourtant, la question « pourquoi avoir choisi d’écrire un polar ? » leur est posée. Bordage avec Porteur d’âme, n’avait pas l’intention de faire un polar. « Le personnage de flic est celui qui se promène d’un côté ou de l’autre de la frontière du bien et du mal. » C’est ainsi qu’il s’est imposé dans le processus d’écriture. Ensuite, la présence d’un policier de la brigade criminelle a classé son roman dans cette catégorie. Richard Morgan, avec Carbon modifié, trouvait que la figure du détective était un narrateur pratique : il accompagne le lecteur.
Les trois auteurs s’accordent sur les spécificités de la littérature de genre (qu’il soit polar ou SF). Elle explore les aspects sales, « les errances de l’âme humaine » (dixit Marin Ledun). Selon Richard Morgan « la littérature générale échoue à parler du monde moderne ». Les changements sont trop rapides, les nouvelles technologies avancent vite. De plus « il ne reste plus rien à explorer que le social, les territoires inconnus n’existent plus ». On a tout découvert ou presque, la moindre parcelle de terre a été parcourue, écrite. L’aventure n’est plus là.

Un autre débat sur La vie en réseau s’est tenu avec entre autre Bernard Benhamou, maître de conférence et Délégué aux Usages de l’Internet auprès du Cabinet de la ministre de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur. J’en ai retenu ces quelques points :
L’architecture du réseau possède 3 couches : le tuyau, le contenu, et le transporteur. Pour la neutralité politique et économique de l’Internet, ces éléments doivent rester indépendants.
L’internaute, lui, a le droit à la déconnexion, autrement appelé « droit au silence des puces ». Dans 1984 d’Orwell, un Etat totalitaire surveille ses citoyens. Aujourd’hui, le citoyen se dévoile lui-même, volontairement, via les facebook, copainsdavant et autres myspace pleins de toutes sortes d’informations le concernant.
Un des risques qu’Internet doit éviter, c’est la fragmentation des réseaux, la formation d’une agglomération de communautés qui ne communiquent plus qu’entre elles, à l’exclusion de toute discussion critique et contradictoire. La tentation est grande de se renfermer entre personnes de centres d’intérêts communs, se confortant dans ses propres opinions. Ces îlots dans le réseau peuvent générer isolement, radicalisation et extrémisme.

William Gibson

Encore un débat, un peu fouilli et sans élément remarquable, avec les auteurs Xavier Mauméjean et Norman Spinrad, sur le sujet des Complots et conspirations. William Gibson a parlé de son oeuvre et de lui en mâchant force chewing-gum. En vrac, Robin Hobb a provoqué une file jamais vue de lecteurs en mal de dédicace, Jean-Pierre Andrevon a joué deux de ses titres à la guitare et j’ai pu lui faire signer « Le monde enfin » trouvé dans l'immense librairie là-haut derrière les escalators, Jeff Noon a un sourire incroyable, tous les auteurs ont été facilement abordables. Le week-end s’est clôt sur l’habituel buffet de savoureux amuse-gueules et solutions liquides. Avec mes deux acolytes Amélien et Emeric, nous nous en sommes allés, repus de tout.

Xavier Mauméjean est gaucher et Norman Spinrad téléphone