Histoire de Lisey par Stephen King


En l’espace de quelques mois, un concours de circonstances comme il en arrive parfois m’a fait lire plusieurs romans ayant pour point commun le plaisir pris par leurs auteurs à jouer avec la langue et les mots. Après Damasio et Vargas, voici venir Stephen King avec son Histoire de Lisey.

Scott Landon représente l’auteur à succès, reconnu par ses pairs, marié à une charmante épouse qui figure toujours discrètement à ses côtés sur les couvertures de magazine. Quand cette histoire commence, Scott Landon est mort deux ans auparavant. A l'occasion d'un ménage dans ses cartons d'archive, sa femme Lisey nous fait rentrer dans leur vie et l’on remonte le temps de leur histoire. Elle ramène à la surface des pans enfouis derrière le « rideau pourpre », et reconstitue l’enfance de Scott, entre un père brutal et un frère aîné adulé. Ce travail d’exploration lui sera nécessaire pour avoir une vision d’ensemble sur la personnalité de son mari. Comprendre le passé pour régler le présent. Rien que de très classique, si ce n'est l'univers intime dans lequel Stephen King nous fait pénétrer.

La complicité du couple passait par un langage réinventé, des mots qui prennent leur source dans la violence d’un père envers ses deux fils, des mots partagés des années plus tard avec Lisey ; elle-même prolongeant cette habitude et augmentant leur dictionnaire personnel. Des bouts de mots s’imbriquant comme des Lego pour former une autre réalité. Le vocabulaire permet tout, se créer des codes, donner du courage, arrimer le barda pour affronter de toufus problèmes, faire un petit voyage vers Na’ya Lune. Lu en VF, on ne peut qu’imaginer le dur travail de traduction qui mérite d’être salué. D’ailleurs, auteur et traductrice nous en disent plus en clôture du livre.

Un monde apparaît au-delà du possible et l'absent sème des messages sur le chemin de deuil de sa femme. Attention, la ballade, touchante malgré des longueurs, ne se résume pas à un flash-back dans une histoire d’amour. Il s’agit plutôt d’une enquête au coeur d’une vie luttant contre la folie, l’alcoolisme et la schizophrénie, le tout sur fond de parfum d'étrange, plutôt façon Stephen King que Guillaume Musso.

Stephen King, Histoire de Lisey, Albin Michel, 2007, 22,50 euros, 566p.