Corniche Kennedy, Maylis de Kerangal


Sylvestre Opéra ? Mais c’est pas un nom de flic de roman policier ça. Quoi ? En plus son patron est surnommé le Jockey ? Il mène une grosse enquête au moins ? Non... on entend juste parler d’un nourrisson dans une poubelle et d’un trafic de drogue ? Mais il occupe son temps à quoi ce flic, des mots croisés ? Comment ça il observe le bord de mer aux jumelles ? Ce livre, là, ce serait pas une connerie ?
Ah non, y’a des gars et des filles descendus des quartiers Nord pour bronzer et faire des plongeons du haut de la corniche Kennedy. Bien, bien ça, des racailles étrangères qui agressent les braves gens et font du trafic ! Non ? Ils ont juste l’insolence de la jeunesse ? Je vous en filerai moi de l’insolence. Mais ne m’en dites pas plus je crois avoir compris, on nous sert le couplet misérabiliste. Poétique ? Ah. Si je me souviens de mes 16 ans ? Euh... dites voir c’est quoi le titre de votre bouquin là ?

"Rejouer à l’infini ce cri collectif, ce plouf mitraillette, ce putain de concert de sauts qui venait juste de crucifier les keufs rouge tomate, alors ils plongent dans la langue, le grand récit, s’y immergent franco, raconteurs, bateleurs, débagoulant à toute allure, leur corps entier et les muscles de leur visage escortant leurs mots de mimiques ad hoc, les cordes vocales mobilisées pour se faire entendre, pour être écoutés, oui, ils plongent dans la langue"

Un roman bon à lire quand dans notre société des gamins de 16 ans se suicident en prison (il paraît que ça s’appelle un jeu) et qu'on envisage de rendre pénalement responsable des enfants de 12 ans. Que va-t-il arriver à cette jeunesse que l’on ne supporte plus et qu’on emmure de toutes parts ?

Maylis de Kerangal, Corniche Kennedy, Verticales, 2008, 15 euros 50, 180 pages.